Tag, Sion Sono (2015) [FEFFS 2015]

Bien loin d'être aussi décousu et innocent qu'il n'y parait, Tag est un vrai film à message, qui sous ses airs de survival gore traite de sujets de société loin d'être anecdotiques. Le réalisateur, Sion Sono (que je découvre avec ce film) semble coutumier des films traitant du désespoir, de l'inéluctabilité d'un destin tout tracé par une société japonaise trop rigide. Tag n'y fera pas exception, en s'intéressant particulièrement au point de vue féminin.

L'héroïne, Mitsuko, est à une période charnière à la fin de l'enfance et l'entrée dans l'adolescence. Ce moment ou l'infinité des possibles de l'enfance se ressèrent avec les premiers choix et performances scolaires. La menace sourde et invisible que Sono fait incarner à un vent destructeur qui décapite ses victimes, représente à la fois cette peur de l'entrée dans l'âge adulte dont on ne sait pas trop de quoi il sera fait ni d'où les menaces viendront et celle de la compétition acharnée dans le système scolaire japonais.

Le second personnage incarné par l'héroïne est celui d'une mariée résignée : Mitsuko entre petit à petit dans le moule qui est prévu pour elle, qu'elle s'y épanouisse ou non n'étant pas la question...

Quant au 3e personnage, la marathonienne, il évoque probablement une pression de la réussite, de rester à la hauteur, compétitive en toutes circonstances.

Le casting est entièrement féminin (à part à la toute fin où l'on découvre [petit spoiler] le personnage qui tire les ficelles et qui s'avère être un homme) et cette démarche à elle seule en fait un film militant, tant ce n'est pas courant. Avec ses différents personnages qui sont finalement le même, Sono parvient à traiter plusieurs aspects de la vie d'une femme japonaise et à délivrer le même message sous différentes formes.

Car Tag n'est pas le film pessimiste qu'il parait être et appelle à la prise de conscience plutôt qu'à la résignation et par son héroïne (à qui il fait notamment répéter inlassablement son nom pour qu'elle se souvienne de qui elle est) il appelle à la rébellion !

Si la forme est très maitrisée dans le choix des plans et des cadrages, notamment ceux, aériens, du début du film, c'est malgré tout un film très adolescent, dans ses codes et son thème, qu'on a sous les yeux. Le film de quelqu'un qui refuse de se plier aux règles et tente d'éveiller les esprits. Devant Tag, si l'on parvient à entrer dans l'univers très étrange de cet OVNI cinématographique, on retrouve cette âme militante et en questionnement perpétuel. C'est un film qui réveille et qui ne laissera pas indifférent, l'un de mes coups de coeur de ce Festival 2015 !

★★★★☆

Tag, Sion Sono (pas de date de sortie France)
Avec Reina Triendl, Mariko Shinoda, Erina Mano - Japon - 1h25

Synopsis (source : site FEFFS)
Tag s’ouvre sur un tourbillon de scènes mêlant à merveille le gore et le poétique. En un éclair de seconde, la vie d’une écolière insouciante bascule à tout jamais. Commence alors pour elle un voyage frénétique au coeur d’obscures réalités parallèles où règnent le désordre et la violence, et où la sensualité féminine est exacerbée.

À travers ses deux héroïnes, Mitsuki et sa copine Izumi, Sion Sono confère cohérence et profondeur à ce film qui, autrement, aurait pu n’être qu’une incursion divertissante dans un surréalisme particulièrement déjanté. Il parvient ainsi à faire de Tag un témoignage touchant de notre consternation face au chaos de la vie. « La vie est comme une plume qui tombe », dit Izumi, « et personne ne sait où elle finira par atterrir. Tout ce qu’on peut faire, c’est la berner en allant là où elle ne nous attend pas ». Et c’est précisément ce qui se passe à la fin du film.

Une cinéphile

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