Timbuktu, Adberrhamane Sissako (2014)

Un paisible village du Mali, envahi par les djihadistes de l'armée islamiste, voilà le décor planté par Abderrhamane Sissako pour nous parler dans cette fable magnifique, d'humanité, de violence et de pardon. Pour se moquer aussi, de l'absurdité de l'extrémisme, des extrémistes, qui savent à peine ce qu'ils font, dans des scènes dont l'humour terrifiant est aujourd'hui plus que jamais tristement d'actualité. 

Il faut aller voir Timbuktu ! Et il pourrait bien instantanément remonter en tête de mon top 2014 tant il résonne aujourd'hui...

Il faut les voir ces apprentis meurtriers, perdus dans leurs habits trop grands et qui, la kalachnikov en bandoulière, débattent sur les qualités respectives de Zidane et Zlatan ; ces enfants paumés en quête de repères qui sèment la mort du bout des doigts...

D'un sujet brûlant d'actualité (l'invasion islamiste au Mali), Sissako façonne une fable lumineuse à l'intelligence subtile. Loin de foncer la tête la première dans le récit d'un conflit sous la forme d'un affrontement, il en décortique les mécanismes et, de paraboles en métaphores, illustre son propos avec une limpidité impressionnante.

Dans son récit, servi par une photo majestueuse qui met en valeur comme rarement au cinéma les paysages mauritaniens (pour des raisons de sécurité, le film n'a pas été tourné au Mali), les oppressés agissent comme autant de petits Jerry sous le nez ahuri d'un Tom débarrassé de toute candeur. Chaque acte anodin, réalisé avec l'air innocent de celui qui sait ce qu'il fait, constitue une rébellion face à l'oppression et ses exigences fantaisistes. Que certaines de ces rébellions se terminent tragiquement ne changera rien à l'affaire : c'est tête haute et en chantant que l'on résiste à l'obscurantisme.

En ayant la sagesse de distinguer pouvoir et terreur, Sissako déjoue les moyens de pression des extrémistes. Leurs armes peuvent bien leur assurer une victoire facile, elles ne vaincront jamais la dignité des habitants, libres grâce à leur culture et à leur volonté de la préserver. Lorsque la terreur ne fonctionne plus et que seule reste la fureur des armes, l'on sait que le glas n'est pas loin de sonner pour l'obscurantisme, qui n'a jamais vaincu bien longtemps en ce monde.

Timbuktu est un film surprenant, d'une force incroyable ! Il dépeint une réalité atroce, traumatisante, mais chaque image est imprégnée d'amour et de douceur. Peu de violence physique à l'écran d'ailleurs, l'indicible restera hors-champ, laissant la place à une joie de vivre qui remue les tripes, à l'image de cette famille Touareg, irréductible petit îlot de bonheur à qui il ne manquera malheureusement qu'un peu de potion magique...

Voici le film indispensable de ce début d'année !
 Timbuktu est un film à voir absolument pour comprendre, si tant est que ce fut encore nécessaire, la différence essentielle qui existe entre intégrisme et religion !

♥♥♥♥

En conclusion, et parce qu'elle le dit tellement mieux que moi, allez écouter la chronique de Nicole Ferroni, diffusée sur France Inter lors de la sortie du film. Impossible de dire mieux !!

Timbuktu, Adberrhamane Sissako (sortie le 10 décembre 2014)
Avec Ibrahim Ahmed dit Pino, Toulou Kiki, Abel Jafri - Mauritanie / France - 1h37

Synopsis
Non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, Kidane  mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima, sa fille Toya et de Issan, son petit berger âgé de 12 ans.
En ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des djihadistes qui ont pris en otage leur foi. Fini la musique et les rires, les cigarettes et même le football… Les femmes sont devenues des ombres qui tentent de résister avec dignité. Des tribunaux improvisés rendent chaque jour leurs sentences absurdes et tragiques.
Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou. Mais leur destin bascule le jour où Kidane tue accidentellement Amadou le pêcheur qui s'en est pris à GPS, sa vache préférée.
Il doit alors faire face aux nouvelles lois de ces occupants venus d’ailleurs…

Une cinéphile

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